04>08.02.2016
Je terminais donc mon précédent sujet sur le ton de l’impatience…. qui se vit rapidement “prolongée” au même rythme que notre inamovible “bloqueo routier”…. Nous avions eu des infos comme quoi les manifestants libéraient toutes les routes de Bolivie, à l’aube des très populaires fêtes de carnaval qui se tiennent dans tout le pays, et en particulier dans la ville d’Oruro, dont les cortèges et défilés rassemblent des foules massives venues de tout le pays. Et bien, il n’en fut rien, ou peu. Bien que pas mal de routes furent effectivement rendues à la circulation, la pression du Carnaval ne fut pas assez forte que pour celle qui nous concernait soient circulables: Sucre-Potosi, ainsi que Sucre-Oruro (entre-autres), sont restées sous l’emprise peu conciliante des manifestants-bloqueurs… Bref, il fallait encore faire avec, et comme nous étions enfin décidés à bouger, surmontés de nos “mochilas” (sac à dos), déjà au terminal de bus lorsque l’on apprit la nouvelle…. nous avons continué sur notre lancée en faisant avec les moyens du bord: au moins cher bien sûr, pour éviter les abus ô combien mercantiles des profiteurs qui raffolent de ce genre de situation pour multiplier leurs prix de manière honteusement démesurée face au désarroi de (pauvres) gens pris entre le marteau et l’enclume, otages de “manifestants immobiles” qui se dorent la pilule au soleil ou à l’ombre de leur camion (sauvagement) stationné… Donc on a pris le taxi le plus cheap (une vieille Toyot’, pour ne pas changer, avec une direction bricolée pour transformer une conduite à droite “à l’Anglaise” en conduite à gauche version “minimale”… le tableau de bord – non fonctionnel – et tout ce qui va avec étant restés… à droite…. ce qui est assez encombrant si on a ma taille et qu’on veut glisser son sac entre ses jambes…). Ce taxi, qui prenait au passage d’autres personnes (donc ce n’est pas tout à fait un taxi, mais un système plus économique), nous dépose donc au blocage routier, que l’on traverse à pied, pour reprendre un bus par la suite, vers Potosi. Une bonne heure sous le soleil, sac au dos, entre les camions (un petit air de déjà vu… hum hum…). On recroise des camions belges, du fin fond des Flandres, pour ne pas changer, dont un avec encore une de “nos” si chères plaques à caractères rouges sur fond blanc, “ oubliée” sur le pare-choc avant! Pas de bol, à l’approche de Potosi, après quelques heures de route, le bus qu’on a pris après le blocage se voit contraint de s’arrêter face à un…. blocage! Ben oui, si on bloque une sortie/entrée de ville…. y’a pas de raison de ne pas faire la même chose à l’autre bout de la route, à l’entrée/sortie de la ville suivante…. Rebelote, on traverse à pied (mais beaucoup plus court cette fois), et on prend un ultime (et court) bus qui nous dépose finalement à Potosi!
On a donc enfin l’occasion de découvrir cette ville, cette “Ciudad imperial”, qui s’érigea sous la domination coloniale de la couronne espagnole. Du haut de ses 4.070 m d’altitude, cette ville de 165.000 habitants est une des plus hautes du monde. Elle eut ses heures de gloire ainsi qu’une importance économique considérable grace à ses ressources naturelles. La montagne qui la domine, culminant à 4.824m, contient les plus importants gisements de minerai d’argent au monde, ainsi que des gisements d’étain, de plomb et de zinc. D’où son nom, “Cerro Rico”, qui signifie “la colline riche”. Tout comme Sucre, Potosi s’est construite sur base de cette richesse (qui par ailleurs influenca l’économie européenne via l’Espagne qui récupérait l’ensemble des royalties). On y trouve donc nombre d’édifices remarquables, qui forment, montagne du Cerro Rico incluse, un ensemble classé au patrimoine mondial par l’UNESCO. Malheureusement, celui-ci est aujourd’hui menacé, la montagne étant en état d’instabilité (et d’effondrement partiel), compte-tenu des nombreuses galeries de mines qui la percent de part en part tel un gigantesque gruyère!
Potosi nous est apparue très tranquille, très agréable, très sympathique, avec beaucoup de caractère, ce Cerro Rico dominant continuellement en arrière-plan, avec ses jolies couleurs rouge-brun. Un véritable coup de coeur pour la partie bolivienne de notre voyage! On ne sentait pas du tout ces rudes difficultés sociales, souvent porteuses de mouvement de tensions, liés au manque de travail et au peu de possibilités dans la région… Seules les mines en déclin font tourner l’économie locale, et le gouvernement ne fait rien pour amorcer quelque-chose de nouveau….
Je ne peux décidément pas m’en empêcher… encore des photos de “Mercados” (2 différents ici), bien colorés et bien sympas. Rassurez-vous: si je mets encore beaucoup de photos, j’arrive grosso-modo à diminuer le commentaire (mais juste pour les sujets “mercados” hein)! 😉
Minas del Cerro Rico
06.02.2016
On a fait une visite guidée des mines du Cerro Rico (par des Ex-mineros). On a appris pas mal de choses sur les conditions et méthodes de travail, sur l’esprit du lieu, etc. On a vu des galeries, des travailleurs, le processus de séparation des minerais, on a senti le souffle de l’explosif, on a vu les enfants du Cerro Rico, à l’affût des touristes pour leur vendre quelques cailloux….
Il y a un côté un peu mystique dans cette montagne, de par sa stature imposante et son statut de “pourvoyeur de fonds” vis-à-vis de la ville de Potosi. Les mineurs ont d’ailleurs leur Dieu (des mineurs) du Cerro Rico: “El Tio” (l’oncle), tant le travail y est rude et dangereux. Il lui font de régulières offrandes et s’adressent à lui de manière rituelle afin d’invoquer sa protection et sa bienveillance, et qu’il fasse en sorte que le travail soit fructueux. On raconte que depuis le début de l’exploitation des minerais d’argent, étain, cuivre et zinc, 8 millions de mineurs seraient morts dans les galeries minières de cette seule montagne. Et pas seulement sous les conditions esclavagistes des colons espagnols… il y a toujours plusieurs victimes chaque semaine actuellement, tant le travail s’effectue de manière peu sécurisée et anarchique. Cela a d’ailleurs a valu un second surnom à la montagne: “la montaña que come hombres” (la montagne qui mange les hommes…). Effondrements, étouffements, silicose, inhalations chimiques, manipulaton d’explosifs, etc…. les causes de mortalité sont nombreuses et réduisent considérablement l’espérance de vie des mineurs, qui continuent à y travailler par milliers chaque jour. La montagne est percée de part en part par des centaines de galeries de mines, au point qu’elle risque de s’effondrer. Les dernier(e)s (centaines de) mètres vers le sommet sont interdites d’exploitaton, vu que celui-ci (le sommet) s’est en partie affaissé il y a plusieurs années. Cependant, les mineurs continuent à creuser, parfois toujours vers le sommet, motivés par la quête de cette légendaire veine chargée d’argent qui se trouverait quelque-part dans la montagne, à défaut de jouir d’autres perspectives professionnelles qui les mèneraient vers un travail plus acceptable, et plus sécurisant pour eux et leurs familles. Potosi est étroitement et éternellement liée au Cerro Rico, et aujourd’hui, le déclin de l’un entraine inévitablement le déclin de l’autre…. L’avenir est restreint; les mines du Cerro Rico, seule activité économique qui fait aujourd’hui exister Potosi, continuent à tourner, mais leur vrai potentiel est déjà derrière elles, et seuls les vains espoirs nostalgiques d’un retour impossible à une grandeur appartenant désormais (et depuis longtemps) au passé, nourrissent la volonté des mineurs de se laisser chaque matin engloutir par les sombres galeries “intestines” de la “Montagne qui mange les hommes”….
Ascensión del Cerro Rico
07.02.2016
Le lendemain, on est monté jusqu’au sommet. Quelques 700m de dénivelé, avec le soleil, les pierres rouges, et une vue sur la ville de plus en plus impressionnante au fur et à mesure de l’ascension. Tout au long, on a croisé des entrées de mines, des baraquements d’exploitations, avec des habitations… gardées par des chiens qui, parfois, nous signifiaient quie l’on était pas tout à fait les bienvenus sur leur territoire. Si Agata parvenait à garder son sang froid, ce ne fut pas mon cas. Moins à l’aise qu’elle avec le meilleur ami de l’homme, d’autant plus lorsqu’il fonce sur nous en meute en aboyant de toute part. Dans ce cas, mes meilleurs amis sont plutôt la fuite rapide et le contournement (très anticipatif) d’obstacle! 😉
Une fois en haut, spectacle époustouflant au rendez-vous: vues plongeantes vertigineuses sur Potosi, dignes de celles des hauteurs de la Paz, mais également sur les alentours, semi désertiques, ainsi que sur les installations minières, qui pourraient avoir un esprit un peu “lunaire” compte-tenu le cocktail installations techniques/flanc de montagne nu exploité. On a vu des tas de gravillons et des coulées de béton (allégé) au sommet. C’est après être redescendus qu’on a lu qu’il s’agissait de dispositifs de renforcement du sommet qui s’est affaissé il y quelques années. On était donc, aussi bien lors de la visite des mines que lors de la montée, un peu comme les mineurs locaux: c’est-à-dire relativement inconscients (ou non-conscisnts) du danger!
Il s’agit (probablement), du point le plus haut que nous avons atteint jusqu’à présent, Agata et moi (et c’est un sommet!); non seulement durant ce voyage, mais aussi dans l’absolu! Une incertitude demeure cependant sur l’altitude exacte: les infos trouvées sur internet renseignent deux altitudes différentes: 4.825m, et 4.782m. 43 bons mètres de différence donc, qui pourraient éventuellement s’expliquer par l’affaissement du sommet (mais ça me semble quand-même beaucoup!). Alors, dans le doute, on va s’en tenir à l’altitude renseignée là-haut, peinte sur un bout de muret et devant laquelle on a posé pour faire les malins: 4.825m, comme ça, on pourra dire qu’on a dépassé les 4.807m du Mont Blanc! 😉
On était à Potosi durant les fêtes de Carnaval, le vrai week-end où ont normalement lieu les moments forts! Et bien, ce fut assez calme, on comprend donc bien que tout se passe à Oruro, et que les autres lieux, autres villes, sont plus “accessoires”. Ceci dit, de ce qu’on a vu, l’ambiance était plutôt sympa et bon-enfant. Les ballons d’eau et autres fusils à pompe (à eau!) étaient au rendez-vous, comme a Sucre, mais dans une atmosphère plus sympa, plus familiale. On a même pris du plaisir à se faire asperger d’eau et de mousse par les (parfois très petits) enfants, qui raffolent forcément de s’attaquer (gentilment) à un couple de “Gringos”, d’autant plus lorsqu’ils peuvent les surprendre alors qu’ils sirotent un glace à l’eau sur un banc public au soleil de la place principale!